L'amoureuse anonyme

L'amoureuse anonyme

En hiver quand sous le névé
les sapins se gèlent les cônes,
Je va près de la cheminée
m'y réchauffer la vêle-gone,

Et comme mon ventre gargouille,
J'me grille un bout de panzetta,
Et pis hagarde la mangeouille
En regardant le feu de bois ;

ô Sainte Patronne des glands
Fais que d'Amour j'ai une tranche,
Je suis bein blanche au croupion,
Grasselette et large des hanches,

J'ai itou dans l'âme en veille
la terrible envie qui coulisse
De pogner sa tête aux oreilles
Et m'la serrer entre les cuisses,

Pis, j'veux m'enconner sur son mât
Ainsi qu'abbé sur baudet,
Et j'lui chant'ra l'opéra
de Viva'l'vit devant l'atrée,

Quan'aura clos, j'lui fera un far
et à bouère une eau de vie
pour que se renforce le lard
et point ne s'aille amaigri.

Ah, je le sa bien que n'sera
Jamais truite à son hameçon
Et que son groin fouille là-bas
En d'autres futaies et buissons.

Oyez ce soir hurler la louve,
Elle a qué'que cheuse à demander :
Si laideronne qu'on mi trouve,
Laissez mi au moince rêver.