Ma Jeanne

Je te regarde assise, pauvre petite vieille
Dans ce fauteuil moderne un peu trop grand pour toi
Ne sachant pas dompter, malgré tous nos conseils
Cette télécommande si rebelle à tes doigts.

Dans ton visage étroit, figé dans la tristesse
Ta bouche a renoncé et ton sourire est mort
Tes yeux trop agrandis, miroirs de ta détresse
Trahissent ta peur de cet inexorable sort.

Tu refais sans relâche le compte de tes peines
Ton discours litanie n'a plus aucun espoir
Tu n'as pas eu de chance, connu trop de gangrènes
Ton présent sans saveur est coloré de noir.

Tu es désormais seule, en peine inconsolable
Du deuil de ton mari et deux de tes enfants
Pour consumer le temps, tu brasses sur ta table
Tes paquets de mouchoirs, tes lunettes et tes dents.

La télé n'a vraiment plus rien d'intéressant
Le ciel est à l'orage, passe-moi mon gilet
Ce pauvre monde est fou, c'était bien mieux avant
Je ne mangerai qu'un potage, ce sera bien assez.

Que sont donc devenus tes moments de soleil,
Les odeurs de cuisine et les jours de marché?
Où sont passés ta joie, ta gouaille sans pareille
Ton humour décapant et la légèreté?

Je nous revois petits, dans la maison si gaie
Tu étais, en chantant le rossignol d'amour,
La fée de nos dimanches aux délicieux fumets
Au son d'accordéon, un toujours dans un jour.

Remplie de cette vie, de janvier à décembre
Je ne voyais plus loin que le bonheur présent
J'embrassais tendrement tes bras de miel et d'ambre
De toute la passion de mon amour d'enfant...

A présent tous les jours, mon oiseau désolé
J'essaie de te distraire, d'apporter de l'entrain
A ta pauvre figure au sourire inversé
Te persuader que ça ira bien mieux demain.

Que tu remarcheras, auras de l'appétit
Comme c'était avant, comme quand tout allait bien.
Qui aurait cru qu'un jour les choses en soient ainsi
Que tu ne croirais plus qu'il existe un destin.

J'ai trouvé des projets: appeler le dentiste
Pharmacie, pédicure, livraison des repas
On ne se privera pas de voir l'orthophoniste
Et si ça continue, le médecin viendra.

J'ai fleuri ton balcon, invité les oiseaux
Posé des coussins vifs pour apporter la joie
J'essaie de rallumer l'étincelle aux rideaux
Des paupières qui abritent ton regard sans émoi.

Je reviendrai demain pour te faire ta couleur
Te donner l'illusion de ta jeunesse enfuie
T'assurer que la vie t'offrira d'autres fleurs
Te dirai que tu es notre maman chérie.

Tendresse et amour indéfectibles pour une mère.

Magnifique partage Lydia.

Touchant et émouvant.

Merci merci merci !
Belle journée ma douce amie.

Ce texte me ravage et me secoue l'échine. Maman à 90 ans, papa est parti en janvier ... Elle me parle de maison abandonnée. Nos visites creusent le vide encore un peu plus lorsque nous repartons et qu'elle me dit "tu pars déjà" alors que j'ai passé ma journée avec elle. Oh comme j'aimerai qu'il en soit autrement.
Merci pour ce bouleversant partage
Amitiés soleil
Z. :-)

Merci Zaza. Oui, c'est une difficile période à vivre, pour eux et nous mêmes. Inévitable cependant, on y est tous un jour ou l'autre confrontés. Mélange de sentiments, obligations...Moi je lui sacrifie tous mes jours pour l'instant mais je vais dès que possible la prendre chez moi.
Des bises, chère Zaza

Je n'ai pas de mot pour te dire combien ton poème me touche Lydia!

Merci Clem! Du vécu au quotidien... Bises.

Un texte très émouvant mais vous l'avez superbement écrit Lydia. Un sujet qui fait mal et qui me touche beaucoup,
Merci du partage
Amicalement

Merci Angel, je pense que ce sujet parle à beaucoup de gens. Amitiés.

Un écrit très poignant où les émotions ressortent à chaque mot, un quotidien magnifiquement relaté malgré la douleur, l'amour toujours présent dans chacun de ses vers transforme cette réalité en poésie et cette poésie en une réalité, c'est superbement écrit, j'aime l'authenticité de ta plume sans égale.

Merci Lydia de ce beau message et acte d'amour.

Amitiés.

Infiniment touchée par ton commentaire (que j'attendais je l'avoue), cher Benoît au si grand talent. Tes mots m'emplissent de joie !

Tu as su trouver les mots justes...
C'est émouvant de parler de cette triste réalité. C'est si dur de se retrouver seule et impotente, mais c'est véritablement un crève cœur pour les enfants qui s'en occupent avec amour et beaucoup d'attention.
Je compatis.
Amicalement

Merci Clari, oui triste réalité qu'il faut assumer quoi qu'il en soit. Et malgré la difficulté, se dire que c'est un juste retour des choses, quand c'est possible.
Des bises.

Tu as réussi là un poème à la fois pudique et émouvant sans être larmoyant. L'amour que tu portes à ta mère y saute aux yeux. Les commentaires déjà parus en sont les témoins.
Très belle déclaration d'amour filial.

Pout tout cela, félicitations, Lydia.

Une maman est irremplaçable.

Merci Peter, tes mots me touchent. Amitiés.

Quel magnifique déclaration d'amour digne, élégant et touchant ! Dans les faits, ce poème ne me concerne pas et pourtant, le temps de ma lecture, cette dame était aussi ma maman
Bravo !

Merci beaucoup Marlon. Amitiés

Merci beaucoup, Isabelle. Amitiés