La fuite

Ils étaient partis tôt ce matin-là, sans rien dire à personne Les enfants dormaient toujours, le chat vint se frotter à leurs jambes pour réclamer sa pitance, comme chaque matin. Le chien ronflait dans un coin de leur immense maison. Le feu finissait de mourir dans un lit de cendre, qu’on pouvait apercevoir au travers de la vitre du poêle. Ils quittèrent le domicile sans faire de bruits, Vincent eu une décharge d’adrénaline alors qu’il verrouillait la porte d’entrée du domicile. Qu’allait-il se passer maintenant ? Il n’en savait rien. Il repensait à la routine, les enfants, l’école, le boulot, les restos et les cinés une fois de temps en temps. Les nuit courtes, et sans amour. Vincent ne s’était pas marié, même après cinq années de bonheur partagé. Elle s’appelait Daphné. Sa compagne de tous les instants, la bouffée d’oxygène qui ravivait sa flamme quand elle vacillait. Il se sentait redevenir un petit garçon dans ses instants où leurs âmes se parlaient, en silence, noyé dans le gris de ses yeux. Il faisait froid et brumeux, les oiseaux gazouillaient timidement sur les branches des arbres, c’était le début du printemps. Ils voulaient fuir, tout simplement, s’offrir une bouffée d’oxygène dans le capharnaüm qu’était devenu leur vie. La voiture était dans la cour. C’était un crossover de luxe d’une marque allemande. Daphné tourna la clé, le moteur se mit à ronronner.” C’est notre cheval blanc pour l’aventure. Tu ne trouves pas ça romantique ?”, ironisa Vincent. Daphné lui répondit avec un sourire, et prit sa main dans la sienne. « Tu n’as pas peur, mon amour ?”. Vincent eut un sourire timide. Ils rejoignirent l’autoroute quelques minutes plus tard. La route était belle et pleine de promesses. Ils goûtaient enfin le bonheur d’être ensemble, libres et sans contrainte, aucune. Enfin, leur nouvelle vie allait commencer. Ils échangèrent un regard plein de flammes, s’embrassèrent passionnément, puis le paysage commença à défiler.
Ils firent une pause sur une aire autoroutière. Un clochard faisait la manche sur le parking. Quand il vit la voiture de luxe arriver, il la suivit. Il était content, d’habitude ceux qui roulaient dans ces voitures-là avaient les moyens de donner bien plus qu’une petite pièce. Joko leur dégainerait son plus beau sourire, son regard le plus attendrissant. Parfois, les riches paient cher pour qu’on les laisse tranquilles. Il les vit surgir du véhicule comme un coup de vent. Daphné et Vincent firent mine de ne pas voir Joko, et se dirigèrent droit vers le mini-magasin. « Bin putain ! ils ont envie de chier ou quoi ? », c’est ce que prononça Joko à haute voix, sans s’en rendre compte. Il les aura quand ils repartiront. « Ils vont carrément raquer cette fois ! » Les minutes défilèrent par dizaines. Joko finit par se lasser et retourna à son poste habituel pour guetter les nouveaux arrivants. Finalement il reconnut le 4*4 de luxe alors qu’il quittait l’aire à toute vitesse. « Tant pis pour le vieux Joko. » C’est ce qu’il se dit avec regrets. Il regarda leur voiture s’éloigner avec un mélange de tristesse et de résignation.
Le 4*4 regagna l’autoroute, et roula à bonne allure pendant une heure ou deux. Soudain, il y eu un grand bruit, puis plus rien. Le noir complet. La voiture fit plusieurs tonneaux, passa par-dessus le terre-plein central, puis fut percutée par un camion qui arrivait en sens inverse. La carcasse se trouvait maintenant en plein milieu de la chaussée. La circulation s’arrêta peu à peu, les secours arrivèrent une dizaine de minutes après l'accident. Les pompiers désincarcèrent deux cadavres. Qui aurait pu survivre après un accident aussi terrible ? C’est la question qui était sur toutes les lèvres. Les corps étaient méconnaissables, tant ils étaient abîmés. A première vue, il s’agissait d’un homme et d’une femme. Maxime, qui avait vu toute la scène, ne put s’empêcher de venir tout raconter aux agents de gendarmerie. Il était tellement choqué qu’il n’omit aucun détail.