Liberté Poétique.
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La ligne.

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Message par ibere64 Mar 8 Aoû - 17:59

En sont pas revenus…
On leur avait pourtant dit de pas y aller. Pas voulu nous écouter. Trop vieux, trop cons, On était, qu’ils disaient. Et puis, qu’est-ce qu’on savait de plus qu’eux, hein ? Alors, ils y sont allés. Nous, on a compris que ça servirait à rien d’insister. Au contraire. On les a laissé partir. On savait qu’on les reverrait pas.
C’est toujours comme ça : Y en a toujours des plus malins que les autres. On peut rien y faire. Y a des frontières qu’il faut pas franchir, ça non, nous on le sait, mais quand on le dit aux abrutis qui veulent faire leurs kékés, ça rate pas, ils se foutent de nous et voilà, il arrive ce qui devait arriver. Ils y vont quand même et ils en reviennent pas. Comme ceux-là.
Si c’est pas malheureux ! Jeunes qu’y-z-étaient, quoi, dans les vingt, vingt-cinq… La vie devant eux. Et la fille… Elle était bien jolie. « Etait » parce que maintenant… Les deux mecs étaient pas mal non plus, genre athlétiques. Elle devait être avec un des deux, mais comment savoir : les deux lui tenaient une main. Peut-être qu’elle se tapait les deux. Allez savoir… Quelle époque. Enfin, en tout cas, elle était vraiment mignonne…

Les flics ont pas tardé, comme à chaque fois, c’est triste à dire mais ils ont l’habitude maintenant. Comme nous. Ils nous ont posé les questions qu’ils nous posent à chaque fois :
-« Vous leur avez dit qu’il fallait pas y aller ? ».
-« Ben oui, comme toujours »
-« Et ? »
-« Ben rien, ça les a fait marrer. Ils ont dit que c’étaient des conneries qu’on racontait »
-« Vous êtes sûrs qu’il ont franchi la ligne ? »
-« C’est obligé : Par là, ça ne mène nulle part ailleurs… »
Les deux flics ont hoché la tête en silence. Le sergent à repris :
-«Ça en fait combien avec ceux là ? » L’autre a répondu :
-« J’sais pas trop… Je compte plus, mais ça commence à  faire beaucoup... »
A ce moment là, on a entendu une sirène et dans un nuage de poussière une autre bagnole de la police a fait irruption au bout du chemin et s’est arrêtée à notre hauteur. Quatre autres flics dont un en civil en sont descendus. Ceux-là, on les connaissait pas, jamais vu dans le coin.
Le sergent et l’autre les ont salués. Ils n’ont même pas répondu, simplement le civil a sorti son insigne. Il avait pas l’air commode et nos deux flics n’en menaient pas large.
-« Unité spéciale. Sergent, nous sommes chargés de l’enquête à partir de maintenant. Vous avez été infoutus de résoudre ce putain de problème de disparitions. Ça tousse très fort en très haut lieu. Vous êtes relevé de l’enquête.
-« Euh… quelle enquête ? »
-« Mon capitaine ! »
-« Pardon, quelle enquête, mon capitaine ? »
-« Comment ça « quelle enquête ? » « Vous vous foutez de moi ? »
-« Non mon Capitaine, y a pas d’enquête. Tout le monde sait qu’il faut pas passer la ligne, ici. On leur dit à chaque fois… Après…
-« Après, quoi ??? »
-« Ben après, c’est trop tard, y a rien à faire ». « Mon capitaine… »
-« Il y a toujours quelque chose à faire, sergent. En tous cas pas rester les bras croisés. C’est pas comme ça que vous allez les retrouver ! »
-« Vous proposez quoi, mon capitaine ? »
-« Y aller. »
-« Aller où ? »
-« Là-bas, bougre de crétin !!! » Il désignait le chemin qui menait à la ligne.
-« Mais mon capitaine, c’est complètement déb… C’est de la folie ! La dernière chose à faire ! »
-« Ça c’est vous qui le dites. Si vous avez une meilleure idée, je suis preneur mais j’en doute. Depuis le début de cette affaire, non, de CES affaires, qu’est-ce-que vous avez fait ? Rien ! Zéro ! C’est pour ça qu’on est là, nous, Unité Spéciale, pour faire le boulot que vous ne faites pas ! »
-« Mais mon capitaine, y a rien à faire d’autre que ce qu’on a fait, c'est-à-dire appliquer les directives de la Haute Autorité : avertir les gens, les mettre en garde, les dissuader d’aller franchir cette putain de ligne , les prévenir que personne n’en est revenu, mais la nature humaine est ainsi faite, ils se croient toujours plus forts que les autres, un peu comme vous, sauf votre respect, et ils finissent toujours par y aller, et ils n’en reviennent pas. Jamais. Ces messieurs que vous voyez là, ils sont là tout le temps, ils vivent au plus près de la ligne, ils peuvent même la voir depuis la maison de l’un d’entre eux. Ils mettent en garde les rigolos qui se prennent pour Indiana Jones, mais rien n’y fait. On les écoute pas plus qu’à nous. Si vous décidez de franchir vous aussi la ligne, vous n’en reviendrez pas non plus toute Unité Spéciale que vous êtes et vous pourrez pas dire qu’on vous aura pas prévenus. En tout cas, nous, pas question qu’on vous accompagne… »
-« Je ne comptais pas vous le demandez, sergent. Je vous laisse à votre routine et à votre inefficacité. Et pour votre avancement, vous pourrez vous brossez ! »

Le sergent n’a rien répondu. Nous on regardait tout ça, c’était plutôt marrant. Les mecs de l’Unité Spéciale sont retournés à leur voiture et se sont équipés : Gilets pare-balles, casques avec caméra, renforts aux épaules, bras, genoux, fusils à lunette, même des grenades qu’ils avaient à leur ceinture, des vrais Robocop ! Et ils ont pris le chemin qui mène à la ligne
Le sergent a gueulé :
-« Mon Capitaine, Vous voulez qu’on prévienne qui, en cas… enfin vous voyez… »
Le capitaine s’est retourné, a haussé les épaules et a repris sa marche avec ses trois hommes. A une centaine de mètre, le chemin tourne, et on ne les a plus vus.
Le sergent nous a regardés, l’air fatigué.
-« On a fait ce qu’on a pu… »
-« Pour sûr », qu’on a répondu. « Encore quatre qu’on reverra jamais… »
Il a continué :
-« C’était vraiment un gros con ce capitaine… S’il savait ce que je m’en fous de mon avancement ! C’est lui qui est bien avancé tiens, maintenant ! »
Ça nous a fait rire. Du coup, les deux flics se sont mis à rire, eux aussi.
Avant de partir, ils nous ont demandés si on était d’accord pour témoigner. On a répondu que « oui, bien sûr, comme d’habitude ».

Et puis voilà, on est restés là un moment sans parler, assis sur le tronc du chêne abattu par la tempête de l’an dernier. J’ai dit :
-« Faudra quand-même leur dire un jour, pour la ligne, hein Tom, tu crois pas ? »
-« Pour sûr ! » qu’il a dit. « Ils en reviendront pas !!!l »
Et on est repartis à rire…
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