Ne m'oublie pas...

J’avais oublié de ne pas t’oublier…

Alors, peu à peu, tout doucement, au fil du temps, comme pâlissent avec les années les couleurs des photos jusqu’à disparaitre sous un voile blanc comme un linceul recouvrant nos souvenirs, sans que je m’en aperçoive vraiment ni ne m’en émeuve, tu es sortie de moi.

Les années ont passé. J’ai vécu plusieurs vies. J’ai couru après des chimères et rêvé des ailleurs meilleurs que je n’ai jamais trouvés. J’ai aimé sans être aimé et j’ai été aimé sans aimer. J’ai trahi des secrets que l’on ne m’avait pas confiés et je suis resté sourd aux vérités que je ne voulais pas entendre.  J’ai voulu me pendre au cou de l’impossible pour ne pas le faire à la potence du désespoir. J’ai tutoyé les anges de l’enfer pour gagner des paradis artificiels dont on ne guérit qu’en se mutilant l’âme avant de la vendre au plus bas prix.
J’ai brisé les miroirs que je n’avais pas osé traverser de peur de m’y voir tel que j’étais.
J’ai même insulté Dieu pour me convaincre qu’il existait.

Et puis un jour, tout s’est arrêté. Je me suis enfermé dans le silence et je suis devenu invisible. Aux frontières de la folie existe une frange de conscience résiduelle, un territoire intemporel, une dimension X mouvante et floue comme une brume brune dans laquelle l’esprit s’abandonne avec indifférence. Rien n’existe plus qu’un sommeil endeuillé des rêves dont crève notre âme en peine. Cela dure des éternités. Mais comme le temps n’existe plus, peut-être ne s’agit-il que de quelques secondes aussi brèves que des siècles d’ombre et d’absence.

Et puis, sans que je sache pourquoi, un jour, toute cette errance a cessé. Je me suis relevé. Lentement-Très lentement- je suis revenu à moi-même et j’ai croisé le regard qu’il fallait pour entrer dans une convalescence soumise à l’inconnu que je pressentais. Que j’ai fini par désirer. Et vois-tu, c’est à ce moment là que tu es sortie de mon oubli. Brusquement. Brutalement. Merveilleusement. Et la Vie a recommencé à battre dans mon cœur et dans mon âme, car, justement, vivre c’est désirer. Surgie de mon néant au moment où j’allais m’y laisser tomber, je t’ai reconnue enfin, toi que je n’ai jamais cessé d’aimer.

Demain, à ton réveil, je te prendrai dans mes bras. Tu me regarderas en souriant. La vie sera belle. Avant de partir, je murmurerai à ton oreille : « Ne m’oublie pas… »

Magnifique ! Récit d'un éveil, je dirais même plus : d'une épiphanie. Et avec toi, le lecteur ouvre lui aussi les yeux, se réjouit, et s'émerveille de ce lumineux chemin que peut prendre la vie au moment où l'on s'y attend le moins

Merci Lina pour ton commentaire qui me touche beaucoup...

Petit gloussement sur le "tu es sorti de moi", oui j'ai l'esprit très mal tourné. Votre texte dégouline de heuuu beaucoup de choses. Bravo en tout cas !

Merveille !
C'est un purgatoire.

Peter, désolé d'avoir dégouliné!

Un purgatoire... et une rédemption. Merci de m'avoir lu, Hugo...

Oh non, faut pas être désolé, c'est juste que je capte bien les émotions. Je vais utiliser un terme moins fort. Ce texte dégage beaucoup d'amour et d'autres émotions. C'est moi qui m'excuse, j'avais pas pensé au côté péjoratif de "dégouliner".

Il n'y a pas de mal Peter! M'en faut plus pour me vexer!