Le calice

Je bois seul, absurde homme saoul dans une fête à laquelle il n’a pas été convié. Je meurs d’ennuis entre deux gorgées.
Ces jours-ci, même les spiritueux me sont insupportables. Le roi sans couronne ne veut rien, les aliments prennent dans ma bouche, le goût du sable.
Le voilà qui m’est présenté sur sa table en bois précieux, assorti de son petit tapis rouge délicat.
Calice pitoyable ! Ses rubis ne m’impressionnent pas. Je trouve son or ridicule. Ses saphirs et ses émeraudes ne sont que de l’authentique pacotille.
Votre roi se meurt d’ennui ! Allez donc me chercher une pucelle, que je me dégourdisse un peu le chibre !
Du vent ! Dégagez-vous tous ! Qu’on nous laisse seul moi et ma femme de ce soir.
Elle est telle un paquet cadeau emballé avec soin. « Tu ne sembles appartenir à personne », lui dis-je. « Ce soir je graverai mon nom dans ta peau, et tu sauras pourquoi je suis ton roi ! »
La frêle et magnifique créature ne bronche pas, et me tend une coupe de vin. “A ta santé !”, criai-je avant de la boire cul-sec. Je repose mon verre avec fracas.
« Maintenant on va baiser ! », elle me fait signe de regarder de nouveau mon verre.
Non seulement il est intact, mais en plus il est à nouveau plein.Son visage prend un air malicieux, elle me sourit, puis m’invite à poursuivre ma beuverie.
Un autre ! Et un autre ! Et encore un autre ! Toujours un autre ! Folie furieuse de la boisson !
Je goûterai plus tard au sacré bordel entre ses cuisses.
Le sommeil et l’alcool me font doucement tomber aux mains des Valkyries. Quel était ce maléfice ? Ils m’ont donc envoyé une sorcière. Ils seront suppliciés en place publique, pour avoir osé abuser leur roi …

Tandis qu’il rumine les braises de sa colère, le roi sot s’endort en ronflant tel le tonnerre, sans réaliser que c’est d’amour dont il vient de s’abreuver, comme s’il s’était agi de mauvais vin.

"Osé" et "nouveau" : voilà le calice et le vin !