Le jardin de l' Effroi

Il marche au milieu de rien, prisonnier de ce rêve qui n' est plus le sien. Le rouge teint l' horizon. Ils sont là, eux aussi,de part et d'autre du sentier.
Les yeux rivés dans le vide, des cadavres gisent debout la bouche bée. L' armée des vaincus crie en silence, meurtrie par ses propres chimères.
Et au milieu d' elle, cet homme qui dit descendre de la lune. Il scrute le sol, s’ agite en tous sens.Entre ses dents, claque ce message :
“ Mauvais présage ! Quand j' ai voulu être un sage, lâchement la raison s' en est allée. Quand j' ai voulu être un amant, honteusement, les mots m' ont fourvoyé.
J' ai fait la guerre, joyeusement, c'est mon sang qui a coulé . Et maintenant ? Où se cache-t-il ?” Il se tâte avec étonnement l’ énorme trou de sa cage thoracique.
“Maintenant, je suis un homme creux ! Et si je m’arrachais les intestins pour m' en faire un joli collier, tout frais payé ?!
Et si je décapitais tous les cadavres ambulants de la rangée de droite ? Je me servirais de leurs têtes fraîchement coupées, pour fracasser les crânes de ceux de la rangée de gauche !
Où ai-je donc perdu mon chat ? Botté ? Tigré ? Ou simplement noir, comme cet entonnoir que je sens se retourner à l’ envers au sommet de ma couronne.”
Ils marchent tous pour le bout de la route.
Un peu avant l' horizon, il y a un très grand trou. Des lèvres, des dents, une langue.
Et de la salive. Tous très à-vides de tous les espoirs morts qui foulent cette terre en traînant des pieds.
Là-bas, ils chutent tous sans y croire, l’ un après l’ autre. Broyés, digérés puis éructés dans un gargouillis plein de borborygmes indélicats.
Après quoi le grand parasite laisse entendre une sourde rumeur satisfaite.
Les vois-tu, dis moi, les vois-tu ?
Ils poussent au milieu des ronces, les fruits viciés de la foi.
Les vois-tu, dis moi, les vois-tu ?
Ainsi naissent les fruits du jardin de l’ Effroi.

Ton jardin de l'effroi me font penser à certains  textes de Henri Michaux. J'aime beaucoup.

Je ne connais pas Henri Michaux, ce texte m'a été inspiré par "Le cycle de la montagne morte de la vie", de Michel Bernanos. Merci pour le commentaire !