Le pacte

Le pacte







Par une nuit embrumée, tandis que je glissais lentement au pays des rêves, on frappa à la porte. Titubant d’un pas lourd de sommeil, je pris ma lanterne, que j’allumai, puis me dirigeai vers l’entrée. L’obscurité semblait boire les reflets dansants des flammes. L’air était soudain devenu très froid, de la glace commençait à se former dans l’embrasure de la porte.
A peine l’entrouvris-je, que le sol se déroba sous mes pieds. Dans ma chute, d'effroyables cris se saisirent de mes tympans. Tellement déformés qu’ils semblaient inhumains. Puis j’eus des visions éparses : des créatures surnaturelles torturaient de pauvres diables qui semblaient ne pas pouvoir mourir.
Beaucoup de femmes violées par des démons aux sexes monstrueux.Je vis un homme se faire ouvrir en deux dans le sens de la largeur, par des démons cornus et à longues fourches. Le pauvre avait les viscères à l’air, et suppliait d’une voix tremblante ; “ S'il vous plaît, arrêtez. Ramenez-moi chez moi, je veux revoir ma femme et ma fille. Par pitié !”Il n’eut pour seule réponse, que le ricanement diabolique de ses geôliers. “ Bien sûr que tu vas revoir ta fille, il suffit de demander !” Et il fut assailli par la vision de la tête de sa fille qui roulait sur le sol. Son cri d’effroi effleura à peine le voile de cette terrible nuit.
Au bout de ce qui m'a paru être une éternité, ma chute fut interrompue par la rencontre de mes pieds avec un sol bizarrement moelleux. L’obscurité était presque totale, les ténèbres buvaient la lumière de ma lanterne. Cependant, grâce à une faible lueur émanant du sol, je pu vaguement distinguer ce qui m’entourait.
J’étais cerné par d’infinies rivières de sang, le sol sur lequel je reposais était fait d’un enchevêtrement d’os et de chair. Régnait sur ce sinistre endroit, un silence de mort.
C’est alors que je les vis. Trois silhouettes difformes se détachaient dans l’ombre. Je sentais leurs yeux me déchiqueter l’âme, comme des milliers de lames de rasoir. Il me sembla être habité par la terreur elle-même, celle qui vous dit que vous ne reverrez plus jamais votre monde.
Je laissai s’échapper un léger cri de peur, quand l’un d’eux s’avança vers moi. Je pu alors le voir dans toute sa terrifiante splendeur : il avait six pattes, et sa peau était faite d’or et de pierres précieuses. Il portait une énorme couronne, et la gueule de son gros ventre laissait s’échapper d'incommensurables trésors. Une voix caverneuse se mit alors à résonner dans ma tête : “Deviens mon héraut, et je te donnerai toutes les richesses du monde des hommes. Le pouvoir sera tiens et tu règneras sur la multitude tel un despote jaloux de son or ».
Une vision s’imposa alors à mes yeux. J’étais richement vêtu et je portais une insolente couronne. J’étais avachis sur mon trône. Dans mes mains reposait un sceptre d’or, couvert du sang séché des imbéciles qui osent mettre ma parole en doute. J’inspirais la crainte et l’envie.
Le gros démon à six pattes brandit alors un contrat écrit dans une langue incompréhensible : « Il te faut juste signer ici, avec ton sang. Mais sache que tu ne pourras choisir que l'un de nous trois. » Sur ces mots, il s’évapora lentement dans l’ombre.
Puis la deuxième silhouette s’approcha de moi. Il avait les traits d’une femme d’une grande beauté. Son opulente poitrine dénudée semblait être la manifestation du péché. Ses lèvres charnues me faisaient imaginer toutes les choses que j’aurais pu faire à cette bouche. Il tenait un énorme phallus en perpétuelle érection, qu’il masturbait d’une main nonchalante. C’était l’incarnation de la luxure.
Une voix d’homme mélangée à celle d’une femme se mit à parler, sans qu’il remue les lèvres : “Choisis-moi, mortel, et tous, hommes comme femmes, t‘appartiendront. La luxure se répandra sur la terre et tu seras connu de tous sous le nom de Pierre le Généreux. Je t’offre également tout le savoir de l’univers, la connaissance ultime. Les étoiles n’auront plus de secrets pour toi, et tu connaîtras la nature profonde de Dieu.”
Je me vis alors en androgyne parfait, un prêtre divin adoré de tous. Mon règne d’abondance était une orgie perpétuelle, sur toute la planète, on se mélangeait dans l’espoir que j’accorde un jour mes faveurs, et que j’intercède auprès de Dieu. L'humanité ne faisait alors plus qu’un dans cette communion éternelle.
Elle brandit un autre contrat en langage inconnu : “ Signe ici de ton sang, le savoir et l'humanité seront à toi”. Après quoi, il s’en retourna dans l’ombre
Enfin le troisième s’avança. Il était gigantesque. Son corps musclé portait les cicatrices d’innombrables batailles. Ses yeux étaient deux flammes cramoisies suspendues dans le vide. Quand il me regardait, j’avais l’impression d’être observé par le néant lui-même. Il brandissait une tout aussi gigantesque épée. Il avait le visage d’un lion, surmonté de deux énormes cornes. Soudain, j’entendis un rugissement : “ Vénère-moi, mortel et ma puissance sera tienne. Tu guériras de toutes les maladies, tu connaîtras l’éternité, et tu vaincras sur tous les champs de bataille, car tel est mon pouvoir.”
J’eus une vision de moi en monarque conquérant. Je ne vis que pour l’excitation du combat, j’aime boire le sang de mes ennemis vaincus. J’aime la symphonie des armes qui s’entrechoquent. J’adore plonger mon épée dans le ventre de ceux qui s’opposent à moi. Mais par-dessus tout, j’aime voir des innocents périr sans aucune raison. Il me tendit lui aussi son contrat : ”Signes ici avec ton sang et nous créerons une nouvelle réalité. Je vois le bonheur et l’excitation dans tes yeux. Ensemble, nous réduirons ce monde à néant. Il n’y aura plus que la Guerre, pour l’éternité.”
Mon cœur fut rempli de satisfaction et d’extase. Une dague m’apparut alors dans la main gauche. Je tranchai le bout de mon index, puis je traçai sur le contrat, les lignes de sang qui signifiaient mon nom.
“ Je choisis la Guerre.”
Il se mit alors à rire à gorge déployée. Jamais je n’oublierais ce terrible son. On aurait dit qu’il ferait s’ouvrir la terre et tomber les étoiles.

“Tu as donc choisi la fin de ce monde.”





Ikelnos Peter

Bonjour et bienvenue Peter sur ce site avec ce texte à l'ambiance démoniaque et l'imagination débordante, personnellement j'aurai fait le deuxième choix lol

Merci de ce partage et au plaisir d'en relire d'autres.

Benoît.

Merci pour l'accueil ! Ah, la luxure...Dans une autre vie, ça aurait été mon premier choix aussi. En effet j'ai une imagination débordante. Oui il y en aura d'autres, j'ai un besoin irrepressible de partager mes écrits depuis quelque temps.