Nous, les enfants du Marais

Nous, les enfants du Marais

Frères, souvenez-vous de notre tendre enfance
Quand, jadis, au Marais inondé de soleil,
Le corps enveloppé de vent et d’innocence,
Nous allions, conquérants de l’espace vermeil,

Sur des chemins poudreux aux barrières sans âge ;
Nous allions, ô frères, vagabonds demi-nus,
Ivres de liberté, de ciel et de paysage,
Vers quelques paradis verts par nous seuls connus.

La plaine s’étendait, se pavanait, immense,
Caressée mollement par les vents étésiens
Qui courbaient les épis de maïs en dormance
Et faisaient murmurer les trembles anciens.

Au canal éternel à l’onde cristalline
Nous taquinions l’aubour, le goujon vif-argent,
Le calicoba fauve et l’ablette opaline
Et, parfois, au retour, un canard négligent.

Rien n’échappait à notre appétit frénétique
Quand, petits braconniers sans pitié ni remord,
Le moindre oiseau faisait un gibier extatique
Qui, rôti, justifiait bien sûr sa mise à mort.

Au soir venu, quand l’ombre obscurcissait la plaine
Nous rentrions, fourbus, crottés, le teint halé,
Le feu à la poitrine et, jusqu’en perdre haleine,
Sur nos vélos rouillés, nous devions pédaler.

Nous étions les enfants du Marais, fils et filles
D’un monde désormais révolu, égaré.
Frères, souvenez-vous de toutes ces familles
De paysans qui furent l’âme de ce Marais.


Alain Dicharry, Labenne, le 19 avril 2023

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Un univers qui me parle. Beaucoup de tendresse et de nostalgie...

la clé du bien écrit reste dans sa lecture
à haute voix monsieur la rime est délectable
car tapie sous les mots l'aimable tessiture
Montre langue bien faite et syntaxe admirable.

et pensant à Villon:
"Frères humains qui après nous vivez"

vous auriez pu aussi en faire une ballade
les plumes de talent sont toujours malléables!

Merci à vous Lydia et HCV.

J'ai modifié le dernier vers qui ne me plaisait pas:

"Nous étions les enfants du Marais, fils et filles
D’un monde désormais révolu, égaré.
Frères, souvenez-vous de toutes ces familles
De paysans qui furent l’âme de ce Marais."