Prose pour des Esseintes de stépphane Mallarmé

A coup sûr un des poèmes les plus hermétiques de Stéphane Mallarmé. Il ne l'a pas composé en 5 mn. comme font de nombreux pseudo-poètes. Mallarmé polissait ses vers à l'extrême en quête de la Beauté et de l'Absolu qu'il n'a jamais atteint à son plus grand regret.


Prose pour des Esseintes
Hyperbole ! de ma mémoire
Triomphalement ne sais-tu
Te lever, aujourd'hui grimoire
Dans un livre de fer vêtu :

Car j'installe, par la science,
L'hymne des cœurs spirituels
En l'œuvre de ma patience,
Atlas, herbiers et rituels.

Nous promenions notre visage
(Nous fûmes deux, je le maintiens)
Sur maints charmes de paysage,
Ô sœur, y comparant les tiens.

L'ère d'autorité se trouble
Lorsque, sans nul motif, on dit
De ce midi que notre double
Inconscience approfondit

Que, sol des cent iris, son site
Il savent s'il a bien été,
Ne porte pas de nom que cite
L'or de la trompette d'Été.

Oui, dans une île que l'air charge
De vue et non de visions
Toute fleur s'étalait plus large
Sans que nous en devisions.

Telles, immenses, que chacune
Ordinairement se para
D'un lucide contour, lacune,
Qui des jardins la sépara.

Gloire du long désir, Idées
Tout en moi s'exaltait de voir
La famille des iridées
Surgir à ce nouveau devoir.

Mais cette sœur sensée et tendre
Ne porta son regard plus loin
Que sourire, et comme à l'entendre
J'occupe mon antique soin.

Oh ! sache l'Esprit de litige,
À cette heure où nous nous taisons,
Que de lis multiples la tige
Grandissait trop pour nos raisons

Et non comme pleure la rive
Quand son jeu monotone ment
À vouloir que l'ampleur arrive
Parmi mon jeune étonnement

D'ouïr tout le ciel et la carte
Sans fin attestés sur mes pas
Par le flot même qui s'écarte,
Que ce pays n'exista pas.

L'enfant abdique son extase
Et docte déjà par chemins
Elle dit le mot : Anastase !
Né pour d'éternels parchemins,

Avant qu'un sépulcre ne rie
Sous aucun climat, son aïeul,
De porter ce nom : Pulchérie !
Caché par le trop grand glaïeul.

— Stéphane Mallarmé,
Œuvres Poétiques I

Alors c'est vrai qu'à la lecture j'ai eu un peu de mal,beaucoup même à saisir le sens et du coup je me suis perdue plusieurs fois...
Il faudra que je réessaye ...
Merci Alain ,moi je découvre.
Bonne soirée

Fanny,

Il ne faut pas culpabiliser. Ce poème est surement le plus hermétique, voire le plus inintelligible de Stéphane Mallarmé. Il faut bien connaître la vie de Mallarmé, ses drames, ses deuil, sa volonté farouche d’inventer une nouvelle poésie qu’il nomme lui-même sa « Crise de vers ».
Pour situer ce poème, il faut savoir que Mallarmé s’est inspiré de des Esseintes, un dandy qui est le personnage principal du roman de Huysmans « A rebours ».
A rebours est un roman à classer dans le mouvement littéraire appelé « Décadentisme » qui eut son heure de gloire à la fin du 19ème siècle.
Si ce n’ai déjà fait, je te conseille fortement de lire cet ouvrage ainsi que le roman d’Oscar Wilde « Le portrait de Dorian Gray ».
En 1866, le poète traverse une grave crise intérieure qui l’amène à la perte de la foi et à la découverte du Néant. De cette crise naît une nouvelle conception poétique, fondée sur l’abandon de tout but de représentation au profit d’un art de l’analogie et de la suggestion. Pour lui, « nommer un objet, c’est supprimer les trois-quarts de la jouissance du poème qui est faite de deviner peu à peu ; le suggérer, voilà le rêve ».

https://www.musee-mallarme.fr/fr/biographie
https://www.musee-mallarme.fr/fr/la-poesie-mallarmeenne
https://obvil.huma-num.fr/obvie/critique/compdoc.jsp?id=thibaudet_poesie-mallarme_035&refid=bovet_lyrisme_001

alaindicharry a écrit:Fanny,

Il ne faut pas culpabiliser. Ce poème est surement le plus hermétique, voire le plus inintelligible de Stéphane Mallarmé. Il faut bien connaître la vie de Mallarmé, ses drames, ses deuil, sa volonté farouche d’inventer une nouvelle poésie qu’il nomme lui-même sa « Crise de vers ».
Pour situer ce poème, il faut savoir que Mallarmé s’est inspiré de des Esseintes, un dandy  qui est le personnage principal du roman de Huysmans « A rebours ».
A rebours est un roman à classer dans le mouvement littéraire appelé « Décadentisme » qui eut son heure de gloire à la fin du 19ème siècle.
Si ce n’ai déjà fait, je te conseille fortement de lire cet ouvrage ainsi que le roman d’Oscar Wilde « Le portrait de Dorian Gray ».
En 1866, le poète traverse une grave crise intérieure qui l’amène à la perte de la foi et à la découverte du Néant. De cette crise naît une nouvelle conception poétique, fondée sur l’abandon de tout but de représentation au profit d’un art de l’analogie et de la suggestion. Pour lui, « nommer un objet, c’est supprimer les trois-quarts de la jouissance du poème qui est faite de deviner peu à peu ; le suggérer, voilà le rêve ».

https://www.musee-mallarme.fr/fr/biographie
https://www.musee-mallarme.fr/fr/la-poesie-mallarmeenne
https://obvil.huma-num.fr/obvie/critique/compdoc.jsp?id=thibaudet_poesie-mallarme_035&refid=bovet_lyrisme_001

Un grand merci Alain pour tout ...

Analyse du poème par Albert Thibaudet :


"Stance III. — (Nous fûmes deux, je le maintiens).

Pour qui, déchu du rêve, exilé d’aujourd’hui, le Poète écrit-il ? Pour tous ? Non. Pour quelques hommes ? Pas même. Pour lui seul alors ? N exagérons pas ; écrire c’est exister pour autrui. Un lecteur suffit au poète, et, mieux qu’un lecteur, une lectrice : c’est assez qu’il soit intelligible pour l’aimée.

« Toutes les femmes, dit Mallarmé dans le numéro 1 de la Dernière Mode, aiment les vers autant que les parfums et les bijoux ou encore les personnages d’un récit à l’égal d’elles-mêmes. Leur plaire donc véritablement ou mériter cela : je ne sais pas d’ambition, changée en triomphe si l’on réussit, qui aille mieux à un ouvrage en prose ou en vers. On va répétant, non sans vérité, qu’il n’y a plus de lecteurs : je crois bien, ce sont des lectrices. Seule une dame, dans son isolement de la Politique et des soins moroses, a le loisir nécessaire pour que s’en dégage, sa toilette achevée, un besoin de se parer aussi l’âme. .. »


Source:

Albert Thibaudet; La Poésie de Stéphane Mallarmé

Et ô combien je suis d'accord avec cette analyse.

Oui benoit tu as raison sur l’explication de la stance 3.

Albert Thibaudet est des meilleurs exégètes de Mallarmé

Dans la stance 3

« Nous promenions notre visage
(Nous fûmes deux, je le maintiens)
Sur maints charmes de paysage,
Ô sœur, y comparant les tiens. »,

as-tu remarqué que la tournure du vers «Sur maints charmes de paysage, ».

N’importe autre poète aurait écrit « Sur maints paysages de charme ». Nous trouvons dans cette inversion des mots « charmes et paysages » une écriture esthétique que Mallarmé a utilisée dans nombre de ses poèmes.

Après sa Crise de vers des années 1860, Mallarmé a inventé une nouvelle poésie de la suggestion, du clair-obscur, du non-dit. Pour cela, il a déstructuré ses vers jusqu’à les rendre hermétiques, changé le sens des mots, abusé des rimes riches et des mots rares.

Dans le vers «Et vers le ciel errant de ton œil angélique » de son poème Soupir,

« Mon âme vers ton front où rêve, ô calme sœur,
Un automne jonché de taches de rousseur
Et vers le ciel errant de ton œil angélique
Monte, comme dans un jardin mélancolique, »

on retrouve une inversion des mots « ciel et œil ». Ce n’est pas le ciel qui erre sur l’œil, mais c’est l’œil qui erre sur le ciel. Je trouve cela très esthétique.

Que de littérature, j'avoue que tout ça me passe un peu au-dessus du bonnet...

Oui Lydia, les poèmes de Mallarmé sont très difficiles à lire, voire inintelligibles pour la plupart d'entre nous. Il faut une grande connaissance des épisodes qui ont émaillé sa vie et de sa conception de la poésie pour commencer à en comprendre le sens.

Mallarmé dites vous ? j'en étais resté là:

Brise marine

La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature !

Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages,
Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots …
Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots !

Stéphane Mallarmé, Vers et Prose, 1893

voila celui que j'aime mais d'autres me désolent
Il faut pour les saisir avoir une boussole!
de la complexité le lecteur se fatigue
on peut aimer les vers et en fuir les intrigues

ceci est personnel et donc ne croyez pas
que mon exemple est bon ou que je sois fada!

Je vous répondrai: "de la complexité le lecteur se nourrit, on peut aimer les vers et en apprécier les arcanes". C'est vrai que cela demande un effort intellectuel.
Pour ma part, je préfère la période symbolique de Stéphane Mallarmé comme ce célèbre poème.

Sonnet en X, Mallarmé

Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx,
L'Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore,
Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix
Que ne recueille pas de cinéraire amphore

Sur les crédences, au salon vide : nul ptyx
Aboli bibelot d'inanité sonore,
(Car le Maître est allé puiser ses pleurs au Styx
Avec ce seul objet dont le Néant s'honore.)

Mais proche la croisée au nord vacante, un or
Agonise selon peut-être le décor
Des licornes ruant du feu contre une nixe,

Elle, défunte nue en le miroir, encor
Que, dans l'oubli formé par le cadre, se fixe
De scintillations sitôt le septuor.

Jadis , c'est curieux ce sonnet me plut bien
encore que ses vocables viennent de mon Bailly
à la grecque beauté il déroba des liens
à la complexité jamais il ne faillit!

Pour le déclamatoire il n'est pas très aisé
mais il faut bien sortir un brin de symbolisme
le risque est d'en avoir le cordes un peu lassées
Pour faire miroiter de Stéphane les prismes.

Joli commentaire Haie Crie Vain.

Il est super fort, HCV!