Ce matin...

Ce matin, je me suis levé avec l’envie de me recoucher, tu sais, quand tu as ce quelque chose en toi qui va pas, c’est un peu comme une nausée, sauf que là tu peux rien vomir, c’est là comme un poids de peine, un goût de chagrin dans la gorge et tu sais que ça va pas te lâcher. Quand ça me cogne comme ça dans la tête et que c’est au cœur que j’ai mal, il faut pas que je reste seul avec moi  parce qu’alors je me barbouille l’âme d’idées noires et forcément pour toi, ça serait pas beau à voir…
Alors je m’habille, je prends mon appareil photo, et vite, je sors sans faire de bruit de la maison. Il ne fait pas froid, humide, gris, un bon temps d’hiver… Une petite marche de 2 km et je retrouve mon copain l’océan. Les plages s’étendent à perte de vue, désertes, comme je les aime, si différentes de l’été quand on ne voit même plus le sable tant il y a gens étendus au soleil à cramer, à lire, a jouer à des jeux à la con au milieu des serviettes  de bain et des parasols multicolores qu’on dirait des fleurs poussées là dans tous les sens…  Je marche longtemps à pas lents sur le sable tout près de l’écume des vagues quand elles s’en viennent mourir après avoir claqué en gerbes d’embruns et avant de refluer dans le grand mouvement perpétuel de l’atlantique. C’est comme une respiration gigantesque, rassurante. Je m’assois sur un rocher, Je contemple cet infini pour m’y perdre. L’horizon se confond avec le gris du ciel. A ma gauche, le cap st Martin avec son phare tout frais repeint. Et loin derrière, à peine visible, la côte espagnole…




Il me revient un vers de Léo Ferré : « Dans le silence de la mer, il y a comme un balancement maudit qui vous met le cœur à l’heure » Pour le silence, Léo, il repassera, au contraire, c’est un bruit continu, rythmé, puissant, mais c’est vrai qu’on fini par ne plus l’entendre, il vous absorbe doucement et puis, en effet, ça vous met le cœur à l’heure et moi, ça me fait du bien. C’est mon pote, l’océan, mon confident. Depuis toujours, je lui dis mes douleurs, mon mal être et il m’écoute. Il n’y a plus de temps, le réel qui m’emmerde tant s’estompe et finit par disparaitre. Je pense à plein de choses : mes amis disparus, mes amours révolues, mes rêves naufragés, à mes filles, à ma maman qui s’en est allée il y a un mois, à Fred du Canada, à Audrey du Nevada, au Chili, à l’Espagne où s’est écrite ma vie et puis à toi. A toi encore. A toi toujours. Au Y de ton prénom que je lis chaque jour sur ton épaule et qui ne s’effacera jamais de mon cœur. Enfin voilà, c’est tout un remue méninges confus et doux dans ma tête que je lui donne à engloutir, à l’océan.



Je me relève. J’ai une larme qui me coule le long de la joue. Je ne sais pas si je pleure ou si c’est mon pote atlantique qui m’a posé un peu d’embruns, comme ça, comme un signe d’amitié. L’un ou l’autre quelle importance ? C’est le goût du sel qui compte.
Je sais maintenant que ça va aller. Je vais renter. En quittant la plage, je croise un type avec un appareil pour chercher du métal qui marche avec son truc en faisant un mouvement, on dirait qu’il fauche le vent. Et puis une femme qui cherche des « yeux de Lucie », ces tout petits cailloux blancs ornés d’une curieuse spirale…





Je les laisse à leurs recherches. Moi, si  je suis venu voir l’océan, c’est pas pour me chercher, c’est pour me retrouver. Je m’en retourne à la maison par le chemin des pins. Je me dis que j’ai de la chance. Que la vie est belle. Ça doit être vrai. Il faut que ce soit vrai. C’est vrai.

Oui, quelle chance de pouvoir se promener en regardant l'océan !
Belles réflexions et superbes photos.

Merci !

Que c'est beau et profond. Et c'est vrai que la nature, l'océan notamment, nous remet les pendules à l'heure et les idées en place par sa présence imperturbable, la régularité de son mouvement, son immensité qui en a tant vu.

Je retiendrai de ce texte sa force, sa noblesse, ton regard à la fois intérieur et extérieur (j'aime la photo et la mer me manque tant car je sais que c'est là que je me sens à ma place au milieu du vent, de ses étendues quasiment désertes de sable que seules les tempêtes savent émouvoir tels des sables mouvants, c'est là qu'est le silence intérieur qui me ressource tant) et que oui l'important c'est le goût du sel (superbe image si vraie pour la vie également).

Je retiendrai aussi l'amour qui en transpire, ce rocher où tu t’assois qui te rend roc, cette osmose parfaite, cette harmonie que je ressens et cette belle leçon de philosophie : oui la vie est belle quand on prend le temps de s'y attarder et se chercher c'est perdre son temps : c'est souvent en voulant se perdre que l'on se trouve également.

Merci à toi de ce témoignage qui me parle tant.

Amitiés.

Benoît.

Merci Clari, oui, j'ai cette chance de vivre tout près de l'océan. Je ne vais presque jamais "à la plage" pour me baigner, mais me promener dessus, oui, je crois que je ne pourrais pas vivre sans...

Lydia, ici, au pays Basque, nous avons la mer et, toute proche, la montagne... J'aime les deux, mais une préférence quand même pour la mer. Je comprends les touristes qui profitent du soleil l'été à la plage, ils vivent souvent dans des endroits moins privilégiés que moi. J'aime mieux le "hors saison" avec mon littoral redevenu "sauvage", et je sais que c'est un luxe. Hier, c'est vrai, je n'étais pas bien, et la mer a cette propriété merveilleuse de me remettre "les pendules à l'heure". Alors, je ne m'enprive pas!

Benoît, je suis heureux que mon témoignage te parle. La mer, je vis toujours près d'elle et ma famille ne s'est jamais éloignée d'elle. Elle fait partie de notre vie et même de notre mort (les cendres de mes parents y ont été dispersées au large du rocher de la Vierge à Biarritz). Quand je suis au bord de la mer, je me sens bien, et j'ai tant de souvenirs (et pas que des mauvais) à plein d'endroits, que je ne peux qu'aller mieux en la retrouvant quand je vais mal loin d'elle. Et puis, merci infiniment pour ce "il n'y a plus rien" de Ferré. Je le connais par coeur tant je l'ai écouté. Avec la colère, la révolte, les outrances du grand Léo, son humour aussi, sa poésie magnifique et sa musique somptueuse... Il m'arrive parfois de me la dire comme ça, juste pour moi. Un chef d'oeuvre. Merci encore de me lire...