Amour que temps n’efface !

Amour que temps n’efface !

J’ai égaré un œuf. Vous direz n’est-ce pas,
Qu’il n’y a pas de quoi en écrire un poème
Chez le crémier du coin on peut trouver le même
Un œuf à remplacer ne me ruinera pas!

Vous vous trompez en tout, cet œuf ne nourrit pas
Il n’a pas de vertu vraiment alimentaire
Ce n’est qu’un œuf âgé, un unique exemplaire
Qui fit dans mon histoire son chemin pas à pas.

Serait-ce un Fabergé, pour dame un bel appât
Un bijou hors de prix qui siège dans un rêve
Une préciosité dont la mode fut brève
Un œuf dont un écrin eut fait un bon repas.

Encore plus précieux cet œuf est de famille
Ma grand-mère s’en servit, jadis, souventes fois
Le soir à la veillée devant le feu de bois
Elle sortait cet œuf si poli qu’il en brille.

En prenant son ouvrage et sortant ses aiguilles
Elle mettait son œuf qui était fait de bois
Dans la chaussette ayant un trou, et deux parfois,
Douée raccommodeuse de chaussantes guenilles.

De mère-grand cet œuf est comme une estampille
Un souvenir vivant qui cause mon émoi
Un cadeau rappelant le beau jeu de ses doigts
Mettant à ma paupière une onde qui vacille.